L’utilisation d’internet a un impact très important sur l’environnement. Que ce soit à travers l’utilisation de métaux précieux qui viennent avec leur lot de controverses, ou la quantité de déchets que les technologies de l’information génèrent[1], l’utilisation d’internet est aujourd’hui un enjeu environnemental majeur puisqu’elle est prédite à la hausse[2] dans les prochaines années et que 64 % des sources d’énergie mondiales viennent de sources fossiles. Or, puisqu’internet a des besoins en énergie croissants, cet enjeu devient de plus en plus pressant.

De plus, l’empreinte carbone du numérique pourrait tripler de 2020 à 2050 selon l’autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP)[3]. Finalement, même si le web est aujourd’hui une partie minime de l’empreinte carbone anthropique, il constitue le 3e poste de consommation énergétique[4].

Cela rend plus que jamais indispensable une action concertée, collaborative et intégrée pour améliorer la posture du numérique face à ses impacts écologiques. Or, les plateformes coopératives représentent une solution efficace pour cela. Une plateforme numérique coopérative utilise typiquement un site web, une application mobile ou un protocole pour vendre des biens ou des services et repose sur un processus démocratique de prise de décisions. À travers leur vocation sociale et environnementale, les plateformes numériques coopératives s’inscrivent dans une double transition à la fois écologique et numérique.

C’est donc à travers mon stage à l’Institut international des coopératives Alphonse-et-Dorimène-Desjardins (IICADD) que les meilleures pratiques écologiques en développement web ont pu être compilées et présentées ci-dessous. Pour ce faire, je me suis penché sur l’empreinte carbone de PortailCoop, la plus grande bibliothèque numérique au monde sur les coopératives et les mutuelles.

Ce site internet géré par l’IICADD vise à promouvoir l’accès, le développement et le partage des connaissances sur les coopératives et les mutuelles à l’ère numérique : « PortailCoop acquiert, organise, préserve et diffuse des documents numériques sur les coopératives et les mutuelles. En évolution constante, le contenu de PortailCoop comprend autant des publications éditées telles que des livres et des numéros de périodiques, que des documents de littérature grise tels que des rapports annuels, sans limitation sur la nature des documents (texte, image, photo, vidéo, etc.) ou sur les formats de fichiers. »[5].

Les meilleures pratiques en développement sont divisées en deux catégories — la première pour les développeurs et la seconde pour les designers. Pour les développeurs, les meilleures pratiques incluent un temps de chargement optimisé, une gestion optimale des liens externes, la non-duplication de contenus et une bonne gestion de la masse noire. Pour les designers les meilleures pratiques incluent des images et vidéos utiles, courtes et nécessaires ainsi que la considération de polices système[6]. Enfin, l’acquisition d’une certification liée à la durabilité du site internet PortailCoop n’a pas été recommandée puisque ces initiatives sont encore trop jeunes, demandent potentiellement énormément d’ouvrage et présentent un risque d’écoblanchiment. [7]

Pour les développeurs

Pour les développeurs, il faut viser à optimiser la vitesse de chargement de la page et de toutes ses dépendances. Chaque élément téléchargé doit être le plus léger possible. Le serveur a également une grande importance à ce sujet.

Ensuite, il est primordial de gérer les liens externes des sites internet qui renvoient vers PortailCoop et de les limiter, pour moins solliciter les serveurs et ainsi réduire l’empreinte carbone des pages web. Généralement, la gestion des liens externes se fait à travers un logiciel ou une console, telle que la Search Console de Google par exemple.

De plus, il faut veiller à ce qu’il n’y ait pas de redondance des contenus, car elle demande des ressources énergétiques inutiles.

Finalement, pour bien gérer la masse noire de PortailCoop, qui correspond à l’ensemble des pages qui sont indexées par Google et qui ne devraient pas l’être, il convient de définir les pages importantes à indexer pour ne pas nuire au référencement naturel et donc limiter l’énergie nécessaire à l’exploration du site en question.

Pour les designers

Les designers, lors de l’ajout d’une image sur le site internet, doivent se demander si l’image est utile, nécessaire, véhicule le bon message et si elle ne peut pas être rétrécie. Il y a 2 grands principes pour optimiser les images. Le premier est de redimensionner correctement (une image trop grande, c’est du poids digital inutile qui consomme de l’énergie). Le deuxième est de la compresser correctement (par exemple avec le format webp, les images sont beaucoup moins lourdes).

Par ailleurs, bien qu’elle soit moins utilisée que les images, la vidéo est un format de contenu de plus en plus populaire sur le web, et c’est de loin la forme de contenu la plus gourmande en données et en traitement. Comme pour les images, il faut se demander si les vidéos sont vraiment nécessaires. Si c’est le cas, il faut essayer de réduire la quantité de vidéos diffusées en supprimant la lecture automatique des vidéos et en veillant à ce que le contenu vidéo soit court. Un site web qui diffuse des vidéos peut être un ou deux fois plus lourd qu’un site web sans vidéo en termes de poids de page, ce qui se traduit par une consommation d’énergie beaucoup plus élevée.

Finalement, les polices web peuvent améliorer l’attrait visuel des sites web, mais elles peuvent aussi alourdir considérablement les fichiers des sites web sur lesquels elles sont utilisées. Un seul fichier de police peut peser jusqu’à 250 kb. Pour réduire l’impact des polices web personnalisées, il y a plusieurs options. La première est d’utiliser des polices système dans la mesure du possible. Par exemple, Arial et Times New Roman peuvent être utilisées sans charger de fichier de police, puisqu’elles se trouvent déjà sur l’appareil de l’utilisateur. La deuxième est d’utiliser moins de variations de polices.

Une certification écoresponsable ?

Enfin, en utilisant exclusivement de l’électricité générée à partir de sources renouvelables, PortailCoop a accès à multiples sceaux et labels écoresponsables. Toutefois, pour acquérir certaines de ces certifications, il faudrait que PortailCoop transfère toutes ses données, de son hébergeur actuel vers un hébergeur déjà certifié, ce qui demanderait un travail immense pour des gains discutables. Or, il est difficile de quantifier ou qualifier les gains que pourrait apporter une telle certification. Même si cela permettrait à PortailCoop de montrer un exemple en matière de gestion durable d’un site internet, la nouveauté de ces initiatives rend la chose risquée, ce qui pourrait déboucher sur des accusations d’écoblanchiment. De plus, le domaine des certifications liées à la durabilité des sites internet est très jeune et il serait plus prudent de l’étudier jusqu’à ce qu’une certification se démarque comme crédible, valable et sécuritaire sur le long-terme.

Conclusion

Pour conclure, mon projet à l’IICADD m’a permis d’acquérir de nouvelles connaissances sur les coopératives ainsi que sur les différents enjeux du secteur numérique.

Sur les coopératives, j’ai pu découvrir les différentes ressources mises à disposition par l’IICADD. Certaines expliquent le modèle coopératif plus en détail ainsi que ses bénéfices. Par exemple, dans le Guide Coop de l’IICADD, j’ai appris que le modèle coopératif provient historiquement d’une volonté de lutte contre le progrès technique capitaliste qui menaçait les emplois des salariés: « Lors de la création de la première coopérative, ce principe de contrôle démocratique était une réponse socialement innovante à un défi économique. En effet, lors de la révolution industrielle, la mécanisation plongea certains travailleurs qualifiés dans la pauvreté, incapables d’acheter de la nourriture pour leurs familles. Ils décidèrent alors de se rassembler en créant une coopérative alimentaire afin d’acheter de la nourriture qu’ils ne pouvaient pas se permettre autrement. La forme d’organisation coopérative était née. »[8].

J’ai aussi pu en apprendre davantage sur les sept principes coopératifs qui, selon l’Alliance Internationale des Coopératives (ICA), incluent :

  1. Adhésion volontaire et ouverte : l’adhésion aux coopératives est ouverte et accessible à toute personne, indépendamment de son âge, sexe ou autres attributs.
  2. Contrôle démocratique exercé par les membres: Les coopératives sont contrôlées démocratiquement par leurs membres grâce aux droits de vote individuels et représentatifs (un membre, une voix).
  3. Participation économique des membres: Tous les membres contrôlent et gèrent le capital investi au sein de la coopérative.
  4. Autonomie et indépendance: Même lorsque les coopératives ont accès à des financements extérieurs, elles doivent faire en sorte de conserver l’autonomie et l’indépendance de chaque membre.
  5. Éducation, formation et information: Chez les coopératives, l’accent est mis sur l’éducation et la formation des membres pour les aider à mieux développer la coopérative.
  6. Coopération entre les coopératives : En étant impliquées auprès de leurs membres, les coopératives collaborent à différentes échelles.
  7. Engagement envers la communauté : Les coopératives ont une portée sociale et durable qui les pousse à s’engager dans leur communauté rapprochée et éloignée.

Finalement, grâce à ce projet, j’ai pu peaufiner mes connaissances sur les enjeux écologiques du numérique. Les solutions numériques peuvent facilement être pensées comme immatérielles, mais sont en réalité très matérielles[9]. En effet, les appareils numériques, les centres d’information et les réseaux demandent des ressources minières et énergétiques significatives. Or, les projections de croissance du secteur numérique actuelles sont non conciliables avec les impératifs de la transition écologique[9].


[1] https://www.greenpeace.fr/la-pollution-numerique/#:~:text=Selon%20le%20think%20tank%20The,%C3%A0%20la%20fabrication%20des%20terminaux.

[2] https://ressources-naturelles.canada.ca/science-et-donnees/donnees-et-analyse/donnees-et-analyse-energetiques/statistiques-et-analyses-de-lenergie/17925

[3] https://www.arcep.fr/fileadmin/cru-1677573101/user_upload/09-23-version-francaise.pdf

[4] https://mbamci.com/reduire-empreinte-carbone-site-web-grace-seo/.

[5] https://portailcoop.hec.ca/in/fr/a-propos

[6] https://www.wholegraindigital.com/blog/website-energy-efficiency/

[7] https://vitrinelinguistique.oqlf.gouv.qc.ca/fiche-gdt/fiche/8365406/ecoblanchiment#:~:text=D%C3%A9finition,de%20pr%C3%A9senter%20un%20caract%C3%A8re%20%C3%A9coresponsable.

[8] https://institutcoop.hec.ca/wp-content/uploads/2022/06/Guide_Coop_1_1_2022-avec-compression.pdf

[9] https://cheminsdetransition.org/les-defis/numerique/